Traumatisé crânien après une agression, auteurs inconnus…

Se faire indemniser par le Fonds de Garantie n’est pas acquis

 

Pour espérer une reconnaissance et une indemnisation, il faudra convaincre :

La CIVI, commission d’indemnisation des victimes d’infractions

Elle doit être saisie dans les 3 ans suivant l’agression. (En cas de circonstances exceptionnelles, la CIVI peut rallonger ce délai). Elle intervient lorsque l’auteur des faits est insolvable ou inconnu.

…et le FGTI  (Fonds de Garantie des Victimes d’Acte de Terrorisme et d’autres infractions).

L’organisme payeur qui en principe  doit appliquer les décisions de la CIVI; mais il peut contester et faire appel.

 

Fanch, son père, nous donne un précieux témoignage. Il nous éclaire sur la démarche à suivre et les embûches à éviter.

C’est aussi la démonstration que le « combat » à mener est inaccessible à un traumatisé crânien isolé. Quand il souffre de problèmes cognitifs (mémoire, attention concentration, irritabilité, fatigabilité etc…) qu’il est tout de suite débordé, dépassé. 

 

Youenn a été victime d’une agression au Portugal

L’indemnisation après une agression est un sujet peu abordé ; en tout cas, moins que l’indemnisation des accidents de la route. Sans doute, parce qu’heureusement les agressions sont moins fréquentes ! Mais le parcours est tout autant semé d’embûches.

Notre fils a donc été victime d’une agression à l’étranger en novembre 2011. Il a subi un traumatisme crânien sévère.

Le soir même, nous en étions avisés grâce à face-book et à un de ses amis. Le lendemain, nous avons pu nous rendre près de lui à l’Hôpital de Porto. Il y est resté 5 semaines avant de pouvoir être rapatrié.

Les 2 années suivantes, ont été consacrées essentiellement aux soins, à la reconstruction, à la rééducation, aux rendez-vous médicaux, aux dossiers de la MDPH, du RSI (sécurité sociale des indépendants). Egalement à la rencontre de l’AFTC 22 (merci Nadette) qui a invité Youenn à participer aux activités du GEM de Saint Brieuc.

Parallèlement, au loin, l’enquête judiciaire poursuivait son cours. Puis, s’est posée la question de l’avenir, des droits à indemnisation. Nous nous sommes donc rendus à une permanence de l’ADAJ 22 au Tribunal de Dinan, (adaj. alternativesjudiciaires@wanadoo.fr). Elle nous a informé des compétences de la CIVI dans le cas de notre fils.

 

La CIVI intervient lorsque l’auteur des faits est insolvable ou inconnu

Cette commission composée de juges est présente au sein du tribunal judiciaire (autrefois TGI Tribunal de Grande Instance). Indépendante elle a pour but de statuer sur les demandes d’indemnisations présentées par les victimes d’agressions ou leurs ayant- droits. Elle nomme les experts et décide du montant des provisions. Concrètement, la CIVI intervient pour indemniser les victimes d’agressions lorsque l’auteur des faits est insolvable ou inconnu. La CIVI prend en considération les demandes de victimes françaises, que l’infraction ait eu lieu en France ou à l’étranger. Mais aussi des victimes étrangères en situation régulière,  lorsque l’infraction a eu lieu sur le territoire français. C’est le tribunal de premier niveau  pour ces situations.

Pour saisir la CIVI, le délai est de 3 ans à compter de la date de l’agression. Ce délai est prolongé d’un an à partir de la dernière décision de justice de la juridiction pénale. En cas de circonstances exceptionnelles, la CIVI peut rallonger ce délai.

La demande d’indemnisation est à adresser à la CIVI du Tribunal Judiciaire (TGI Tribunal de Grande Instance) le plus proche de votre domicile ou du lieu de l’infraction. L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire, lorsqu’il s’agit de dommages matériels. Mais, elle est indispensable en cas de préjudices corporels importants.

 

Il faut alors s’entourer d’un avocat spécialisé dans le dommage corporel.

Notre objectif était de trouver l’avocat ou l’avocate en qui nous aurions  confiance, apte à prendre en charge le dossier d’un français, victime d’agression à  l’étranger. Et ce n’est pas facile d’expliquer la situation!  Et le temps devient pressant : 3 ans, ça passe vite. D’autant plus vite qu’ on n’obtient que peu de renseignements sur l’avancée de l’enquête policière sur place. Les agresseurs ont-ils été identifiés ? Si oui, il y aura sans doute une procédure pénale ?

L’avocate portugaise sur place relance régulièrement le bureau du Procureur. Elle consulte  les documents auxquels elle peut avoir accès, les photocopie et nous les envoie pour traduction.  Et puis, un jour, une lettre recommandée du Procureur de Porto indique avoir classé le dossier, les auteurs n’ayant pas été identifiés. Quelques jours plus tard, arrivent dans un colis recommandé. Ce sont les vêtements tachés de sang : veste, pantalon, chemise, ceinture, chaussures,  sous-vêtements, portefeuille, téléphone, les 5 cts  d’euros trouvés dans ses poches, devenus 0,10 cts ? Enfin, tout ce que la police avait saisi pour l’enquête… et le dossier pénal est clos.

Déçus, nous avons relancé nos recherches

Nous contactons d’abord en août 2012 un cabinet d’avocat nantais conseillé par l’assistante sociale du Centre de rééducation et l’AFTC 22. Une rencontre plutôt positive, mais non suivie d’effet pour 3 raisons :

-il n’y a plus de Tribunal Judiciaire (ex TGI) à Dinan, donc plus de CIVI; nous l’avions signalé sans qu’il en soit tenu compte,

– Ensuite, près de 6 semaines après le rendez-vous, toujours pas de convention d’honoraires. (« on n’a pas que cela à faire », nous dit la secrétaire !)

-Enfin, lorsque nous recevons cette convention d’honoraires, nous découvrons que l’honoraire de résultat s’élève à 12 % TTC s’applique sur toutes les sommes perçues, y compris celles des organismes sociaux -indemnités journalières, rente d’invalidité… Nous avons trouvé cela abusif.

Nous devons donc relancer notre recherche Internet en tapant « avocat de dommage corporel, » et un appel à l’UNAFTC qui nous communique quelques noms et adresses, parmi lesquels celui de Me Meimon Nisenbaum, dont le cabinet est à Paris.

En route vers Paris consulter un autre cabinet d’Avocats

Rendez-vous est pris en août 2013 ; nous nous y rendons avec notre fils (en covoiturage). Me Catherine Meimon Nisenbaum nous reçoit, et son fils la rejoint lors de l’entretien ; ils décident de prendre en charge le dossier, malgré le caractère aléatoire du résultat. Il faut rappeler que l’agression a eu lieu à l’étranger, que les auteurs n’ont pas été identifiés, que l’agression n’est pas établie et que le procureur portugais n’a pas donné suite.

Les honoraires ont  fait l’objet d’une convention, un honoraire unique fixe et un honoraire complémentaire de résultats plus raisonnable, excluant la créance de la caisse de sécurité sociale, les indemnités journalières, les rentes accidents du travail et pension d’invalidité ; enfin, aucun versement n’est à effectuer avant le versement de la première provision obtenue et versée.

Me Nicolas Meimon Nisenbaum soumet le dossier au FGTI  (Fonds de Garantie des Victimes d’Acte de Terrorisme et d’autres infractions).

Il espère la prise en charge du dossier et un règlement amiable mais le FGTI refuse.

Le Fonds de Garantie tient le rôle de l’assureur dans les dossiers dans lesquels les tiers ne sont pas connus ou sont insolvables.

D’ailleurs, il est financé par une cotisation sur les contrats d’assurance ».  En principe il doit appliquer les décisions de la CIVI, mais il peut contester et faire appel.

 

Le Fonds de Garantie conteste et fait appel.

Me Nicolas Meimon Nisenbaum saisit alors la CIVI de Saint Malo, la plus proche de notre domicile dès janvier 2014 et, avec lui, on constitue un dossier le plus complet possible : médical bien sûr,  mais aussi professionnel, et personnel.

Il prend, dans le même temps, contact avec un médecin conseil de victimes spécialisé , le Dr Caroline Hugeron, spécialiste en médecine physique et de réadaptation à l’hôpital de Garches pour établir un bilan de santé exhaustif et assister notre fils.

Par décision de septembre 2014, la CIVI reconnaît le droit à indemnisation intégrale pour Youenn, ordonne une expertise détaillée et accorde une provision, malgré l’avis défavorable du Procureur  de la République de St Malo, qui suivait les arguments du Fonds de Garantie

Le FGTI fait appel, comme l’aurait sans doute fait tout assureur, refuse l’expertise, dénie toute valeur à l’attestation du médecin chef   du service des soins intensifs de l’Hôpital de Porto qui certifie que notre fils n’a pas  pu s’infliger de telles blessures tout seul, et nous reproche de n’avoir pas saisi le fonds de garantie portugais (alors que notre fils est français)…

En septembre 2016, la cour d’Appel confirme en tout point la décision de la CIVI de 2014 : droit intégral à indemnisation, provision, nomination d’un expert judiciaire pour évaluer les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux.

 

Etre bien accompagné à l’expertise

Après plusieurs reports,un rendez-vous est pris avec l’expert, nommé par la CIVI.

Finalement, l’expertise judiciaire a lieu à Quimper en juin 2017 avec le Dr Diraison; notre fils est accompagné par son avocat et son médecin conseil, le Fonds de Garantie est représenté par un inspecteur régional et son propre médecin conseil. Je ne me suis privé de lui faire savoir que l’attitude du Fonds de Garantie pendant la procédure judiciaire ajoutait une blessure nouvelle et inopportune à ce qu’avait enduré notre fils

Le médecin expert a fixé la date de consolidation au 22 septembre 2016, date importante, puisque le montant de l’indemnisation définitive ne peut être établie avant cette date.

Le Dr Diraison a fait diligence et a rendu son rapport 3 mois après le rendez-vous, dès septembre 2017.

 

L’évaluation du préjudice et la Transaction

Commence alors un nouveau travail pour Me Nicolas Meimon Nisenbaum : l’évaluation des préjudices établis et reconnus, puis la discussion points par points avec le Fonds de Garantie.

Quelques mois passent encore, du fait des absences de l’Inspecteur chargé de régler le dossier au FGTI, et de l’attente de réponses des organismes sociaux pour établir leurs créances.

Me Meimon Nisenbaum nous reçoit en juin 2018, nous présente l’offre définitive d’indemnisation présentée par le Fonds de Garantie et nous incite à accepter la transaction proposée, en tenant compte des résultats obtenus et constatés en procédure d’appel.

Le constat d’accord a été homologué le 18 juillet 2018, par la CIVI de Saint Malo, mettant fin à de longs mois de procédure.

 

Il devient alors possible de tourner la page

L’avenir peut s’envisager avec plus de sérénité. Il devient possible de tourner la page ; sans méconnaître le handicap invisible, mais « en apprenant à vivre avec « . Kiné, art-thérapie, accompagnement pour la vie sociale, groupe de paroles, psychologue…, rythment encore et toujours le quotidien de notre fils, mais une étape est franchie. La douleur, l’injustice subie et le handicap sont reconnus par la société, près de 7 années après les faits. Youenn en témoigne:  Après son traumatisme crânien, Youenn reprend son envol!

Parallèlement, dès avril 2012, Youenn avait déposé un premier dossier à la MDPH, pour une allocation adulte handicapé (AAH) et RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Puis un deuxième, un troisième… pour des demandes spécifiques. voilà un autre volet qu’il ne faut pas oublier et qui va nécessiter un soutien solide.

 

Sans ces appuis spécialisés nous n’avions aucune chance.

En conclusion, nous retirons de cette expérience la nécessité de recourir à un avocat spécialiste du dommage corporel, et à un médecin recours conseil qui connaisse bien le traumatisme crânien, et qui sachent nous épauler et nous conforter dans les périodes de doute et les contretemps : 2 ans entre la décision de la Cour d’Appel et le versement effectif de l’indemnisation, délai aussi long qu’entre la décision de la CIVI et l’arrêt de la Cour d’Appel.

Nous devons remercier Me Nicolas Meimon Nisenbaum qui a toujours été directement accessible, et à tout moment pendant ces 5 années, et dont nous avons apprécié la compétence et la réactivité. Associer aussi à notre reconnaissance le Dr Hugeron qui a pris le temps d’écouter les « plaintes » de notre fils, de les prendre en compte, de les évaluer et de les faire valoir au mieux de ses intérêts: il a trouvé près d’elle une interlocutrice fiable et experte sur laquelle il pouvait compter et qui pouvait exprimer sa parole.

 

Dans la même rubrique: les pièges de l’expertise médicale, arnaques des assureurs

Un médecin généraliste s’insurge sur les pratiques de l’expertise médicale et donne des conseils dans un livre « Indemnisation des accidentés de la route : les pièges de l’expertise médicale, les arnaques des assureurs et comment les déjouer ! »

Lire l’article: https://www.cassetete22.com/les-pieges-de-l-expertise-medicaleles-arnaques-des-assureur/

Des liens utiles à rappeler.

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2313

https://parcours-victimes.fr/

 

L’Association cassetete22 Entraide TC est  à votre écoute

logo de l'association cassetet22 entraide TC

Vous ne vous sentez pas  entendu ou compris quand vous parlez de votre vécu de traumatisé crânien ou cérébrolésé, …vous voulez mieux comprendre un enfant, un conjoint….  L’Association cassetete22 Entraide TC  peut vous aider si vous le souhaitez.

Nous sommes un groupe de traumatisés crâniens « expérimentés » prêt à partager son expérience… forme de pair-aidance. Pour découvrir le soutien d’Entraide TC :  Le soutien d’Entraide TC en pratique

 N’hésitez pas à prendre contact, nous sommes là pour vous.

 

 

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